
Un récent article* du chroniqueur du Journal de Montréal Mathieu Bock-Côté a récemment fait couler beaucoup d’encre dans le milieu des ressources humaines. Dans cet article, M. Bock-Côté interview Jacques Houle, auteur du livre Disparaître? Afflux migratoires et avenir du Québec, un ouvrage consacré à la question de l’immigration, et pour lequel Mathieu Bock-Côté signe d’ailleurs la préface.
Parmi les propos de M. Houle rapportés dans cette chronique, on note la phrase suivante : «En fait, la littérature économique indique clairement que le monde fait face non pas à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, mais bien à une pénurie d’emplois de qualité». Par emplois de qualité, il veut dire des emplois pour lesquels les jeunes diplômés ne seront pas sur-qualifiés, offrant des salaires suffisant, ainsi que des conditions de travail avantageuses et un horaire intéressant. Il cite en exemple l’entreprise Costco, qui déjoue la pénurie de main-d’œuvre en offrant à ses employés un salaire élevé en comparaison avec les emplois similaires sur le marché de la vente au détail.
En tant que professionnels des ressources humaines, la pénurie d’employés qualifiés est réelle et nous faisons face à ce défi quotidiennement dans nos entreprises. Et il est vrai que les candidats non qualifiés boudent les postes d’entrée, tels que les postes de représentant, de manœuvre, de journalier et de préparateurs de commandes, postes durement touchés par le manque de main-d’œuvre et où les salaires sont à discuter. Nous accordons entre autres ce point à M. Houle: il est juste de mentionner que les entreprises devraient ajuster les salaires pour rémunérer les employés à leur juste valeur et offrir des conditions de travail plus avantageuses pour demeurer compétitives.
Pour ce faire, les consommateurs devraient reconnaître que les prix à la consommation augmentent pour permettre aux entreprises de verser des salaires plus élevés et de redonner aux employés. Les entreprises doivent également ne plus espérer faire des marges de profit creusant le fossé entre les dirigeants et les employés au niveau monétaire. Oui, il faut créer de la richesse, mais pas au détriment de ses employés et de sa capacité de production. Si les entreprises n’ont plus d’employés pour effectuer les activités de production parce qu’ils ne s’adaptent pas aux tendances du marché, ils ne pourront plus offrir leur marchandise ou répondre à la demande.
Dans cet article, et dans son livre par le fait même, M. Houle parle aussi d’une «menace imaginaire de pénurie de main-d’œuvre pour justifier le maintien de seuils d’immigration élevés dépassant notre capacité maximale d’intégration». Sans trop nous plonger dans la question de l’immigration, nous croyons que les recruteurs devraient élargir leurs critères d’embauche, ouvrir les opportunités à la main-d’œuvre diversifiée et aux immigrants, mais surtout faire disparaître les tabous et la discrimination. Il serait aussi important de reconnaître l’expérience internationale, d’offrir de la formation complémentaire et prévoir un parcours adapté d’orientation et intégration pour permettre aux immigrants d’intégrer notre marché du travail avec leurs qualifications et leurs compétences.
Pour terminer, nous ne pouvons passer sous silence que ce n’est pas tout d’attirer une main-d’œuvre de qualité. Les employeurs doivent faire des efforts de rétention pour conserver la main-d’œuvre en poste et investir dans l’expérience employé. Il faut savoir prendre soin de nos meilleurs joueurs pour bâtir une équipe solide.
Cynthia Cowan
Fondatrice de Académie GRH
* https://www.journaldemontreal.com/2019/11/22/la-penurie-de-main-doeuvre-est-une-fable-entretien-avec-jacques-houle